Migrations, exodes et capitalisme

Nous assistons aujourd’hui à un phénomène d’exodes d’habitant.e.s de pays détruits par la guerre, par la misère ou la famine, par la violence répressive, ou bien souvent par le chaos dû à l’accumulation de plusieurs de ces facteurs. N’ayant guère d’autres choix, ces personnes prennent alors la route pour tenter de trouver refuge dans des endroits plus vivables.

Ce phénomène touche tous les continents ! Les pays riches et encore en paix sont le plus souvent le but à atteindre, bien qu’ils tendent généralement à refouler et à décourager par tous les moyens à leur disposition celles et ceux qui, tentant de survivre, se retrouvent sur ces routes de l’exil.

 

Une histoire commune.

Bien que les nouvelles sur le sujet en provenance des parties du monde éloignées de l’Europe occupent bien peu de place dans nos médias, cette situation d’exil est mondiale et découle d’une Histoire commune. Elle est, en effet, la conséquence naturelle d’un passé et d’un présent entièrement dédiés au développement du capitalisme, système économique hégémonique, aujourd’hui adopté par toutes les grandes puissances mondiales.

Depuis la découverte des autres continents par les pays européens, ce système économique (et sa gestion par des banques) a – petit à petit, secteur par secteur, territoire par territoire – fini par balayer ou pervertir toutes les autres formes d’organisation des peuples à travers le monde et les modes d’échanges commerciaux qui existaient avant lui, ainsi que les systèmes traditionnels de gestion des territoires ancestraux (et donc des ressources agricoles et minières…). Et les migrations massives d’aujourd’hui ne sont en fait qu’un aboutissement logique de ce développement commencé il y a des siècles, mais toujours en cours depuis, et toujours aussi gourmand et corrupteur. Après avoir découvert ces terres plus ou moins éloignées et accessibles, l’envahisseur occidental, bien armé et organisé, se les ait appropriées, les a délimitées arbitrairement et transformées en colonies afin d’en pomper les ressources.

La décolonisation qui a succédé à cette période s’est opérée dans la douleur et sur fond de guerres dévastatrices et parfois fratricides !

Dopé aux profits monétaires gigantesques, l’occupant colonial refusait de partir et lorsqu’il y fut contraint, il laissa derrière lui un terrain économique et social miné, imposant aussitôt par la force – envois de mercenaires, soutiens militaires, coups d’État téléguidés, déstabilisations… – la mise en place de gouvernements à sa botte et institutionnellement corrompus. Ces pays se sont retrouvés sous la coupe de marionnettes despotiques, avides de pouvoir autant que de profits, traîtres et cruelles envers leurs peuples, et bien entendu manipulées à distance afin de continuer le pillage, tout en endettant le pays (Bocassa, Amin Dada, Mobutu, etc., etc., tous aussi despotiques que leurs maîtres européens, puisque mis au pouvoir puis soutenus par ceux-ci en toute connaissance de cause…). Cette dette étant la garantie d’un assujettissement sur du long terme, ces pays ravagés, mais aux ressources naturelles encore nombreuses et alléchantes, ont été livrés pieds et poings liés aux multinationales et autres entreprises boursières basées aux quatre coins de la planète et toujours en cheville avec les anciens pays colonisateurs aux desseins et stratégies toujours autant machiavéliques.

Rares sont les ex-colonies qui s’en sont relevées et qui bénéficient depuis d’une véritable indépendance économique, avec une société stable, à peu près équitable et apaisée (comme les États-Unis et le Canada, qui ont fini par acquérir une vraie indépendance, mais où les populations originelles ont été pratiquement entièrement décimées et les survivant.e.s banni.e.s et parqué.e.s dans des réserves). Les pouvoirs se sont parfois déplacés, mais le système de spoliation des richesses est resté le même à peu de choses près, et la pression demeure pour empêcher tout changement majeur.

Afin de garder le marché à son avantage et sous prétexte d’une bonne gestion des dettes et des flux de capitaux, l’occident impérialiste a – entre autres – créé et imposé le FMI, institution décisionnaire, dirigée par de très hauts fonctionnaires qui sont bien évidemment choisis avec soin…

L’évolution du capitalisme ne cesse de s’adapter aux nouveaux marchés et ne cesse d’en créer et donc de créer aussi de nouveaux besoins de consommation. Les nouvelles technologies demandent de nouvelles matières premières et les nouveaux marchés ouverts touchent à de plus en plus d’aspects dans nos vies. Les conséquences du partage et de la gestion capitaliste du monde ont fini par s’insinuer dans tous les échanges et même par perturber jusqu’aux plus infimes détails de la vie de l’ensemble des individu.e.s peuplant cette planète, nous reliant les un.e.s aux autres par des liens d’intérêts et de dépendances très solides et serrés, telles des laisses tenues par le pouvoir de l’argent. Les brevets sur le vivant et les politiques agricoles arbitraires imposées par les « accords » internationaux – sous la direction d’entreprises telles que Monsento, pour ne citer qu’elle… – font bien entendu partie de l’arsenal commercial intrusif. Ce sont des armes de destructions massives des sociétés et des vies humaines, au service du capitalisme moderne.

Il est primordial de reconnaître et de considérer que ce phénomène planétaire qu’est l’exil des peuples est une des conséquences directes de la colonisation et du développement de la financiarisation du monde, et qu’il a commencé il y a bien longtemps avec la traite et l’exploitation d’Êtres Humain.e.s réduit.e.s en esclavage et déshumanisé.e.s pour être transformé.e.s en marchandise.

 

Image d’archive du pont d’un bateau négrier 

 

Bien que l’esclavage soit une pratique ancestrale d’exploitation dans de nombreuses civilisations, son développement massif à l’époque du commerce triangulaire est un des premiers jalons importants du développement du capitalisme mondial. En France, avec La Rochelle et Bordeaux, Nantes y tenait une place privilégiée et s’est très grassement enrichie et développée grâce à lui. En simplifiant un peu, voici son déroulement : trois « marchandises » pour trois étapes, à savoir : des armes, accompagnées d’autres denrées européennes appréciées en Afrique, étaient embarquées dans un des ports de la façade Atlantique. Une fois déchargée dans les comptoirs africains, des hommes et des femmes enlevé.e.s en Afrique et réduit.e.s à l’état d’esclaves remplaçaient cette première cargaison et étaient déporté.e.s outre Atlantique. Puis retour des navires vers l’Europe, remplis des productions obtenues dans les plantations grâce au travail forcé des esclaves qui avaient survécu.e.s à leur traversée de l’océan.

Ces productions – sucre, coton, cacao, etc. – étaient ensuite revendues sur le vieux continent, et une partie des bénéfices était réinjectée afin d’armer de nouveau les navires qui repartaient, lestés des armes et des objets d’échange à destination des chefs africains fournisseurs de captif.ve.s, en commerce étroit avec les marchands européens, soutenus et armés par eux. Facteur d’enrichissement sur du très long terme (*), ce commerce continue aujourd’hui d’alimenter la finance internationale, et ce, après avoir traversé deux guerres mondiales et malgré les déplacements de lieux des pouvoirs économiques.

 

Grande maison bourgeoise de l’île Feydeau à Nantes où vivaient la plupart des armateurs nantais qui ont amassé des fortunes grâce au commerce des esclaves.

 

Politiques opportunistes, politiques de situation.

Les gouvernements occidentaux d’aujourd’hui ont beau déclarer être favorables à des politiques émancipatrices à tendances vertueuses, ils continuent néanmoins de surfer sur cette vague capitaliste hautement contagieuse et corruptrice, qui semble sans fin, et à laquelle ils sont soumis. Ils rêvent sans cesse de développement et de croissance, de nouvelles ouvertures de marchés et d’accumulation de richesses encore et encore, comme pris dans une spirale infernale. Et chaque individu de la planète est devenu un potentiel d’enrichissement pour des entreprises qui apparaissent de plus en plus comme des nébuleuses incontrôlables et intouchables, qui dictent leurs politiques aux Etats.

Pour qui a le malheur de naître et vivre au mauvais endroit au mauvais moment, la vie ne vaut alors pas bien cher, et son potentiel de rentabilité a vite fait de disparaître et de le ou la transformer alors en laissé.e pour compte. Sa capacité à survivre dépendra de sa capacité à fuir loin, par tous les moyens à sa disposition…

Bien que tout ceci puisse aujourd’hui tenir du lieu commun, il demeure néanmoins flagrant que le capitalisme reste la base à attaquer si l’on désire vraiment stopper cette hémorragie destructrice qu’est l’exil des peuples.

 

 

 À ce jour, bien qu’un grand nombre d’études universitaires, d’analyses sociétales pointues menées par des personnalités reconnues dénoncent clairement et preuves à l’appui cet état de fait, aucun gouvernement n’accepte ces points de vue et ne remet réellement en cause son propre fonctionnement destructeur. Ils appliquent au final des politiques injustes, inhumaines et potentiellement dangereuses pour la paix globale à plus ou moins long terme, mais aussi pour le climat, et poussent ainsi des milliers de gens à l’exil.

Les migrant.e.s, qui sont donc les premières victimes de cet acharnement, sont paradoxalement stigmatisé.e.s et considéré.e.s par beaucoup comme des envahisseurs indésirables, regardé.e.s de travers, voire malmené.e.s avec plus ou moins d’acharnement par certain.e.s des autochtones des pays traversés à la xénophobie croissante. Cette xénophobie est bien souvent encouragée insidieusement. Les pouvoirs en place, trop heureux de trouver des boucs émissaires et des diversions afin de dissimuler leurs intérêts réels et leur véritable objectif (qui est l’enrichissement de quelques un.e.s – dont eux bien entendu – aux dépens du plus grand nombre), n’hésiteront pas à exacerber et à instrumentaliser la paranoïa et la toujours latente peur de l’étranger de leurs gouverné.e.s… cela justifiera même leur politique sécuritaire. L’histoire se répète et les ficelles utilisées pour manipuler les masses, aussi grosses soient-elles, restent les mêmes au fil des temps…

Étant toutes et tous issu.e.s de déplacements de populations, le discours identitaire de certains partis de droite est un ramassis d’arguments non recevables, basés sur la peur, l’ignorance et une ambition aveugle et démesurée, qui explique sans doute une propension systématique du recours à la violence. Venus de la droite, ces arguments n’ont rien d’étonnant, mais si certains partis de gauche disent s’en désolidariser, ils n’hésitent pourtant pas à ordonner des rafles et d’autres coups bas, et finalement se retrouvent très bien dans ces discours xénophobes.

Cette actuelle (im)migration ne manque pourtant pas (comme tant d’autres avant elle…) d’apporter de la main-d’œuvre bon marché à certaines entreprises des plus « respectables » tout au long de sa route. De par sa clandestinité (subie), cette main-d’œuvre est corvéable à merci, et utilisable à toutes fins et à tous appétits. Sans grands soutiens et sans droits, elle est sous menace permanente d’expulsions, de sévices ou d’enfermement !

 

 

 Ces personnes en exil servent aussi parfois de monnaie d’échange ou de levier dans les négociations internationales. Un des exemples qui illustre très bien cette instrumentalisation est celui de la Turquie, véritable prison pour migrant.e.s, qui se sert de la menace de l’ouverture de ses frontières vers l’UE comme chantage à toute tentation de l’Europe de se mobiliser contre les agissements liberticides et les exactions de son actuel président-dictateur Recep Tyyip Erdogan… L’HCR (Haut Commissariat aux Réfugiés) s’est trouvé là un allié/complice de taille ! Et pour le peuple Kurde de Turquie, la perspective de devoir tout abandonner et de rejoindre le flux des exilé. e. s afin de fuir les pogroms et les exactions en tous genres déjà en cours se précise de plus en plus…

Des camps de rétention un peu partout

Le HCR et nombre d’organisations internationales, pour tenter de diminuer et de maîtriser ce flux migratoire, ont mis en place et contrôlent d’immenses camps qui peuvent parfois « accueillir » plusieurs centaines de milliers de déraciné.e.s. Il existe beaucoup de ces camps disséminés dans de nombreux pays africains (rien que sur ce continent, 10,4 millions de personnes y ont été recensées en 2013…). Ils en existent aussi – plus ou moins nombreux et bondés suivant les pays – dans certains pays du Moyen-Orient, au Pakistan, en Inde, en Chine, en Malaisie, au Japon, en Colombie, à Haïti, en Amérique du Sud, aux États-Unis, en Australie…

Bref, en réponse à l’internationalisation du capitalisme, il en existe partout !!! Certaines des personnes qui y vivent (ou plutôt y survivent) peuvent y séjourner des dizaines d’années. Certain.e.s y naissent et d’autres y meurent, la durée moyenne des séjours dans certains camps africains étant de 17 ans. Ces innombrables camps bénéficient de nombreuses appellations : Centres de rétention administrative, Camps de réfugiés, Zones d’implantations de camps de travailleurs, etc. Lorsqu’il ne s’agit pas de camps de travailleurs-euses (sortes de vastes réserves de mains-d’œuvre à pas cher), l’existence de ces camps de rétention, principalement motivée par une politique d’éloignement de nos frontières, peut l’être aussi par la prévention de possibles révoltes, qui pourraient nuire aux marchés et pillages en cours menés par les multinationales (par exemple dans le cas des expropriations dues aux politiques compensatoires issues des sommets environnementaux internationaux…).

 

Un camp de réfugiés syriens en Jordanie devenu ville

 

Gestion de la crise de part et d’autre.

À ce jour le flux humain de déplacé.e.s, est donc « géré » sans état d’âme, de la même façon qu’il a été créé et avec la même inconséquence !

En Europe, le bras armé et dissuasif, allié de l’HCR et chargé de repousser « l’envahisseur », se nomme « FRONTEX ». Au fil des ans, cette structure a fini par bénéficier de subventions internationales vertigineuses, indécentes ! Toujours croissantes, elles permettent un soutien logistique des plus pointus et moderne (traque, identification et fichage, renvoi au loin…). Les états européens ont fini par fournir à Frontex un statut de totale autonomie, l’autorisant ainsi à faire ses propres achats logistiques et de décider de ses recrutements, formations, stratégies et actions. Frontex s’affranchit ainsi des frontières et dédouane les pays quand ses activités sont trop scandaleuses et choquantes aux yeux de l’opinion. Elle traite aussi directement avec les dirigeants des pays de départ des migrant.e.s et avec ceux des pays traversés. On ne peut qu’être inquiet.e.s de l’évolution de cette structure, aux pouvoirs assez flous, bien que très étendus…

 

Les gigantesques sommes d’argent allouées à Frontex par les États pour éloigner ou tenter d’éviter l’afflux des exilé.e.s témoignent bien du soin apporté par les pouvoirs publics afin de renier les conséquences de leurs politiques internationales. Quant à l’autonomie autorisée, elle témoigne de leur lâcheté et de leur démission sur le terrain. Que dire du cynisme que représente cette débauche de moyens, utilisés non pas pour réparer des vies qu’ils ont brisées par leurs guerres ou leur avidité, mais bien pour les rejeter et les détruire un peu plus… ?

Face aux difficultés rencontrées, il n’est pas inutile de rappeler le courage et la résistance dont les exilé.e.s doivent faire preuve sans relâche. Malgré tout, pour beaucoup de ces femmes, de ces hommes et de ces enfants qui se retrouvent sur des routes jalonnées par la haine, le mépris et le rejet, la violence rencontrée sera décisive et leur vie s’arrêtera là. Ils et elles disparaîtront alors sans laisser de trace autre que les souvenirs inscrits dans la mémoire de leurs compagnes ou compagnons de route, ou de leurs proches resté.e.s au pays ou déplacé.e.s dans des camps, mères, pères, frères ou sœurs, ou même enfants, qui en silence attendent et toujours attendront… Nulle sépulture ne témoignera de leur présence sur cette terre et de leur périlleux cheminement, ni de leur disparition, pas plus que des causes de cette disparition… Pour certain.e.s, une fosse commune creusée clandestinement par les pouvoirs locaux, dissimulée dans un terrain vague quelconque, sera la dernière demeure. Pour des milliers d’autres, c’est la mer qui s’en chargera.

Ces fins tragiques et anonymes sont pour chacune le résultat d’un crime et non d’un accident, ni d’une maladresse ou de la fatalité ! Morts violentes ou morts lentes, leurs causes premières sont toujours criminelles.

En France, en dehors des ONG officielles (parfois réellement utiles, mais dont les migrant.e.s doivent sans cesse se méfier s’ils ne veulent pas finir parqué.e.s comme des bêtes, exploité.e.s, ou pire…), les actes solidaires sincères, c’est-à-dire sans volonté d’exploitation ou d’instrumentalisation politique, sont globalement réprimés et interdits. Lorsque pour certaines ONG – ou structures religieuses ou citoyennes – ils sont autorisés, c’est pour tenter de rattraper le coup et de pallier aux graves défections des États. Alors les associations et collectifs sollicités devront se montrer très coopératives avec les pouvoirs en place et leur obéir au doigt et à l’œil : il leur sera aussi demandé de surveiller, ficher, dénoncer…

 



Parallèlement aux structures reconnues, dans tous les pays traversés, des individu.e.s ou des collectifs militants se mobilisent coûte que coûte (plus ou moins clandestinement) afin d’aider les exilé.e.s. Ces efforts sont parfois salutaires, mais hélas largement insuffisants. Internationalement, les sbires armé.e.s garant.e.s de la loi (en uniformes ou pas…), tout comme les tribunaux et les services de l’immigration sont à quelques exceptions près dramatiquement borné.e.s et malveillant.e.s, et peuvent aller jusqu’à être cruel.le.s et sadiques. Couverts – et même quelques fois encouragés – par leur hiérarchie, avilis par leur fonction répressive, ces services administratifs et de police n’hésiteront pas à maltraiter physiquement et/ou psychologiquement les migrant.e.s à leur merci, ainsi que leurs soutiens locaux indésirables (dans une bien moindre mesure cependant, tout du moins en France…).

Bien que l’exode migratoire et l’hécatombe qui grandit chaque jour sont de plus en plus médiatisés et sur le devant de la scène du grand théâtre des déclarations politiques (au point même qu’ils deviennent un sujet quasi banal dans la bouche des élu.e.s en place ou en devenir, sujet rabâché, postillonné, mâché et recraché chaque jour sans pudeur ni complexes), aucune autre perspective que cette hécatombe et que la répression qui la ponctue n’est envisagée. Le fond du problème n’est jamais abordé ! Les discours simplistes et les promesses fallacieuses ou tout bonnement menaçantes, sur la gestion de ces situations complexes de migrations humaines, ne serviront jamais qu’à aggraver durablement la situation et non pas à régler quoi que ce soit.

Le marché des bombes.

Parallèlement à la production de misère par le capitalisme, il est bien évidemment indispensable de produire d’énormes et croissantes quantités d’armement divers et varié. Le marché qui en découle est des plus juteux et l’utilisation et la dissémination de ces arsenaux, au-delà d’être une force d’assujettissement, est une menace sans cesse plus précise d’un chaos, voire d’un anéantissement, généralisé.

Les intérêts qui unissent les marchands d’armes aux investisseurs internationaux sont indissociables et complémentaires. Les assassinats, les guerres ou tout autre conflit meurtrier ne sont que les pendants des fortunes accumulées par ces grands prédateurs.

Avenir ?

S’il doit arriver, loin est ce jour où les déséquilibres destructeurs délibérément créés et entretenus se réduiront. Loin est l’avènement d’un monde ou les individu.e.s auront enfin compris que l’enrichissement à tout prix est synonyme de misère, de morts, et de la perte généralisée de notre humanité, comme de la destruction croissante des chances de survie de l’espèce humaine sur cette terre. Seules la lutte, la solidarité et l’information peuvent changer la donne, et il faudra se battre encore longtemps avant que ne soit reconnue la vraie valeur de la vie (une valeur non monnayable). Tant que le mot d’ordre général sera l’enrichissement à tout prix et la marchandisation des vies et des êtres, des millions de personnes se retrouveront sur les routes, car l’exil sera pour elles la seule solution envisageable…

Dit autrement : si, comme le capitalisme l’induit inévitablement, l’optique principale de l’organisation de nos sociétés est de nous enrichir les un.e.s sur le dos des autres, si c’est ce à quoi en sont principalement réduits nos rapports sociaux, qu’ils soient proches ou planétaires, si c’est là l’unité d’évaluation commune de la valeur de nos vies et leur finalité concrète, hormis une remise en question radicale de notre vision du monde et de nos attitudes envers les autres – qui au même titre que nous l’habitent – rien ne pourra dévier notre trajectoire d’un chaos complet et peut être définitif… qui passera encore pour beaucoup d’entre nous par la case exil.

 

 Plus l’on s’enfoncera dans l’actuel fonctionnement du monde et plus rares seront les endroits sur la planète qui pourront prétendre à une paix durable et au confort d’une sédentarisation sereine, basée sur des relations ouvertes.

Les perspectives pour évoluer globalement vers un monde viable et vivable imposent aussi de sortir du schéma préétabli en vigueur d’appartenance à un territoire, ou chaque frontière est une négation de l’Autre. La « fierté » de garantir la survie et la sécurité de cet Autre – et donc à terme de la sienne propre… – va fatalement devoir passer devant celle d’appartenir à une nation aux frontières définies par des guerres et des tueries. C’est le consensus global sine qua non pour un équilibre durable ; et même, au rythme où vont les choses, pour UN AVENIR tout simplement.

(*) Un exemple parmi tant d’autres de l’hégémonie du capitalisme d’hier qui se perpétue dans nos habitudes de vie actuelles est notre dépendance au sucre. Grâce au commerce, puis au travail des esclaves, les exploitations sucrières ont très vite proliféré outre Atlantique. Le marché du sucre à alors explosé en Europe, et ce produit issu des plantations s’est alors imposé dans la vie des Européen.e.s qui précédemment vivaient très bien sans (denrée d’alors très rare, issue des quelques plantations du pourtour méditéranéen et des açores, prémisses des plantations amérindiennes, qui fonctionnaient déjà grace aux esclaves). Et depuis, chaque jour, nous sommes les actrices et acteurs de ce marché directement hérité du commerce triangulaire, consommateurs plus ou moins volontaires, et plus ou moins victimes et coupables à la fois… Car si l’esclavage est censé avoir disparu, les conditions de travail autour de la canne à sucre ne sont toujours pas équitables, tant s’en faut (mis à part la mécanisation, elles n’ont guère évolué en fait). L’enrichissement de quelques-uns y est toujours dû au sacrifice de vies de travail acharné, très mal rémunéré et dans de très dures conditions, pour des travailleurs.euses qui n’ont pas d’autre choix…

 

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