Le projet d’aéroport de Notre dame des landes se voit chaque jour plus fragilisé. La manifestation du 22 février a connu une mobilisation inédite et démontré une nouvelle fois la force du mouvement avec 50 000 personnes, 500 tracteurs et 67 cars venus de toute la France. Dans la foulée, les déclarations et accords renouvelés sur le fait de ne pas démarrer de travaux avant l’épuisement des recours actuellement déposés contre l’aéroport (1), pourrait bien acter son chant du cygne. Quand Valls est prêt à proposer l’abandon du projet pour rattraper les Verts (2), on peut d’ores et déjà se dire que le gouvernement n’y croit plus vraiment. Quoi qu’il en soit, hors des cénacles, le mouvement est plus paré que jamais pour empêcher tout démarrage de travaux et toute nouvelle vague d’expulsion.
On s’approche aujourd’hui d’une victoire majeure pour les luttes contre l’aménagement gestionnaire et marchand du territoire. Et c’est bien, entre autre, parce que ceux et celles qui résistent sur le terrain ont su rester uni.e.s, et ce malgré les tentatives désespérés pour diaboliser la colère qui s’est exprimée le 22 février.
Dans ce contexte de déroute pour les pro-aéroports, une série d’arrestations (3) survient néanmoins au lendemain des élections municipales en pleine nomination de Valls au poste de premier ministre.
Cette opération est une tentative de vengeance qui exige que se déploie un soutien large, mais qui ne saurait entamer la détermination du mouvement.
Après les annonces grandiloquentes sur les enquêtes en cours, le résultat n’est au demeurant pas très impressionant. On a au final un échantillon de quelques personnes qui, comme des centaines d’autres ce jour là, on peut-être jeté quelques projectiles sur la police et sont accusées par ailleurs d’avoir, comme des dizaines de milliers d’autres, « participé à un attroupement armé ». Ces suspect.e.s étaient tellement bien profilé.e.s que sur les 9 arrêté.e.s, deux ont été quasi immédiatement relâché.e.s sans suite, dont un n’était même pas à Nantes lors de la manifestation. 4 sont déjà passés en comparution immédiate, et 1 autre sera jugés dans quelques mois. Pour les premiers qui n’ont pas pu préparer leur défense, les condamnations sont lourdes magré le vide des dossiers : 4 mois de sursis, 4 mois ferme, 5 mois ferme et enfin un an de prison avec mandat de dépot, ainsi qu’une interdiction pour tous de manifester à Nantes et Notre Dame des Landes durant un à trois ans.
Si l’opération est piêtre, ces arrestations sont néanmoins graves. D’abord parce qu’un camarade se retrouve en prison et que plusieurs autres risquent d’y aller dans les mois à venir. Elles sont graves aussi parce qu’elles représentent une tentative de faire accepter de nouveaux dispositifs répressifs propre à criminaliser encore plus à l’avenir, l’ensemble des luttes sociales et tout-e-s ceux et celles qui font concrètements obstacles à leur grands projets.
Comme avec les militants du Val de susa (4), les ouvriers de PSA ou des Contis5, les dits terroristes de Labège (6), Tarnac (7) ou les insurgés de Villiers le bel (8) , l’Etat, face à ce qu’il estime comme une menace, déploie une débauche de moyens médiatiques et policiers pour criminaliser le mouvement. La cellule de crise et les appels à la délation dans les médias cherchent à faire rentrer les personnes ciblées dans les petites cases repoussoirs du « casseur » isolé ou du « terroriste » en bande organisé et à construire un ennemi intérieur bien délimité et extérieur au mouvement. Pour Valls, il est nécessaire de croire à la fiction du « black bloc », celles de groupes manipulateurs et marginaux qui n’interviendraient dans les luttes que pour assouvir leurs désirs nihilistes. Il leur faut isoler, stigmatiser, diviser parce que la réalité d’une lutte large et plurielle, la possibilité d’une solidarité entre diverses tactiques est aussi inacceptable que dangereuse pour eux. C’est bien cette réalité qui a is en échec l’opération César et qui leur rend si difficile l’idée d’un retour sur la zone.
La méthode employée : arrêter des semaines après une manifestations des personnes à domicile, sans flagrant délit et sur la base d’images photos, vidéos ou d’aveux extorqués est plutôt nouvelle dans ce pays (9). Et c’est cette méthode qu’une solidarité active doit neutraliser. Le procédé vise avant tout à distiller une peur durable de participer à des manifestations, surtout si il est possible que celles-ci ne soient pas qu’un défilé docile et qu’une tension s’y dégage. Rappelons à ce titre qu’un catalyseur majeur des affrontements du 22 février a sans nul doute été la volonté du Préfet d’empêcher que la manifestation se déroule et la transformation du coeur de Nantes en zone rouge. Ceci dans un contexte où la préfecture annonçait qu’elle comptait bien reprendre au plus vite les expulsions et destructions de maisons sur la zad, ainsi que celle des espèces protégées. Gardons aussi en mémoire que, malgré la fiction médiatico-politique de « la ville dévastée de manière indiscriminée », la plupart des actes de sabotages qui sont survenus ce jour là étaient ciblés sur les porteurs du projet d’aéroport et leurs sbires, ou sur des acteurs d’autres grands projets comme celui du Val de susa. Même si les 50 000 personnes présentes n’y ont pas pris part, même si certain.e.s manifestant.e.s étaient angoissé.e.s de la situation ou critiques de ces actes, il est indéniable que des milliers de personnes ont soutenu ou participé plus activement à l’élan visant à passer au centre ville malgré les barrages policiers, et que pas mal d’autres ont applaudit ou sourit à la vision des engins de destructions de Vinci incendiés. La police a répondu le jour même à cet affront : à coup de flashballs ou de grenade, elle a mutilé à vie et blessé gravement des dizaines de manifestant.e.s. (10) Mais cela n’était pas suffisant, à défaut de juger la foule, la loterie représsive s’abat après coup sur quelques individus isolés.
Cette vague d’arrestation pourrait se répéter. C’est maintenant à tout-e-s celles et ceux qui, le 22 février, n’ont pas supporté de se faire entraver dans leur droit à manifester, qui se sont insurgé-e-s contre la violence policière et la répression, et au-delà à toutes celles et ceux qui se soucient de la possibilité même de lutter, de s’organiser pour ne laisser aucune des personnes inculpées après cette journée seules face à la justice ou derrière les barreaux.
Premiers signataires :
Des occupant-e-s de la zad, groupes et personnes en lutte contre l’aéroport et son monde.
L’assemblée des habitant-e-s de la zad du jeudi 10 avril 2014
Le Carila (Comité Anti-Répression Issu de la Lutte anti-Aéroport)
Collectif Nantais Contre l’Aéroport (CNCA)
OCL (organisation communiste libertaire)
…
Infos complémentaires :
- Un comité de soutien à enguerrand, condamné à un an ferme s’est créé avec sa famille et des proches – contact : Une manifestation de solidarité devrait s’organiser rapidement. soutien.enguerrand(@)riseup.net
- Le Carila (comité anti-répression issu de la lutte anti-aéroport) apporte un soutien juridique et matériel aux inculpées. Vous pouvez envoyer des dons pour les frais de justice et d’avocat. Comité de Soutien aux Inculpé-e-s Le Gué 44 220 Couëron
- Des blessés du 22 février ont déposé des plaintes pour « violences volontaires avec armes ». Un appelaux blessés du 22 février a été lancé. http://22fevrier2014nantes.blogspot.fr/
- L’assemblée du mouvement a signé un communiqué commun inspiré par un texte du comité NDDL 22 : http://zad.nadir.org/spip.php?article2366
Notes :
(1) Cette position avait déjà été annoncée par Ayrault suite à la manifestation du 22 février, et aux appels pressants d’Auxiette, président de région, à expulser immédiatement la zad. Elle a été confirmée par écrit dans un accord passé entre EELV et le PS entre les deux tours des municipales puis reprise par Ségolène Royal lors de son arrivée au ministère de l’écologie.
(2) Emmanuelle Cosse, patronne d’EELV a déclaré le 5 avril au conseil national de son parti que Valls leur avait proposé « à demi-mots, la fin de NDDL » afin qu’ils restent au gouvernement.
(3) Des personnes avaient déjà été arrêtées et inculpées pendant la manifestation et la semaine qui a suivi. Pour plus d’infos et des conseils sur les arrestations du 31 mars :http://zad.nadir.org/spip.php?article2350
(4) Le 9 décembre 2013, la police politique, sur ordre des parquets de Turin et Milan, a incarcéré Chiara, Mattia, Niccolo et Claudio, pour « attentat à finalité de terrorisme ». Ils et elles sont accusé-es d’avoir pris part à une attaque du chantier du TAV pendant laquelle du matériel a été saboté. Ils risquent 20 ans de prison. C’est loin d’être la première fois en Italie que ce type de procédure anti-terroriste s’abat sur des militants anti-TAV
(5) Fin 2012 et début 2013, face à la fermeture annoncée de l’usine PSA d’aulnay sous bois, divers actions qualifiées de « militaristes » par la direction et dénoncées par les principaux syndicats ont été menées par des ouvriers en lutte : séquestration de cadres, cortèges masqués et sabotages à l’intérieur de l’usine, émeutes… En avril 2009, dans le cadre d’une lutte dure face à un plan social, 200 ouvriers de Continental saccagent la Sous-préfecture de Compiègne. 6 d’entre eux seront inculpés pour ces faits.
(6) Le 5/08/11,, une dizaine de personnes avait pénétré dans les locaux de la Protection judiciaire de la jeunesse, à Labège près de Toulouse, pour manifester contre l’incarcération des mineurs suite à la répression d’une révolte dans un EPM et déversé du liquide nauséabond sur des ordinateurs. Le 15 novembre 2011, après des mois d’enquêtes, plusieurs maisons et squats étaient perquisitionnées et 4 toulousaines se voyaient incarcérées avec des chefs d’inculpation lourds. http://pourlaliberte.noblogs.org/
(7) Le 11 novembre 2008, 9 personnes sont arrêtées et inculpées »association de malfaiteurs et dégradations en relation avec une entreprise terroriste », accusées d’avoir participé au sabotage d’un caténaire de ligne TGV. Voir : http://www.soutien11novembre.org/
(8) Le 25 novembre 2007, Lakhmany et Moushin, 16 et 15 ans, meurent renversés par une patrouille de police. La ville se soulève pendant deux jours. Des mois après, des personnes sont arrêtées suite à un appel public à la délation du gouvernement, et sont condamnées à des peines très lourdes.
(9) Si ces méthodes sont assez nouvelles en France, elles sont malheureusement courantes dans d’autres pays européens. Ainsi suite aux émeutes qui se sont emparé de Totenham etde plusieurs villes anglaises en août 2011 après un meurtre policier, des centaines de personnes sont arrêtées à posteriori sur la base d’images vidéos et d’appels à la délation dans les jours, semaines et mois qui suivent.
(10) La violence policière s’était déjà déchaînée pendant les expulsion de la zad en contre et novembre 2012. Entre autre, le 24 novembre pendant une opération dans la forêt de Rohanne, où une centaine de personnes avaient été blessées, dont certaines gravement, par des flashballs et grenades.
Avec les inculpé-e-s du 22 février, avec le mouvement ! (.pdf)