Samedi dernier, le 22 février 2014, se tenait à Nantes une manifestation contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes d’une ampleur sans précédent : 50 000 personnes et 520 tracteurs étaient là, un nombre encore jamais atteint et montrant bien l’ampleur que prend le mouvement anti-aéroport.
Mais, au-delà du nombre, le plus impressionnant était la manif en elle-même. D’une diversité incroyable, on y croisait tout un tas de gentes très différent.e.s, en âges, en origines géographiques, en motivations, en situations sociales, en habitudes de manif…etc
A cette richesse de différences s’ajoutent une joie commune, une envie de fête et une détermination à gagner cette lutte et bien d’autres. Car c’est également cela cette manif, un moment où tout un tas de monde se retrouve et parle de telle ou telle lutte à tel ou tel endroit. C’était d’ailleurs une journée internationale de soutien aux NO TAV (TGV Lyon-Turin).
Une facette également incroyable de cette manif c’est toutes les idées et initiatives qui ont existé pour lutter contre ce projet. Cela allait de l’occupation des axes principaux par des centaines de tracteurs, l’occupation du ciel avec des ballons ou des eaux avec un radeau et des drapeaux flottants.
Mais c’était aussi une cabane fabriquée dans un arbre en face de la préfecture, des cortèges de partis politiques, des masques, des vitrines liées aux promoteurs du projet taguées et/ou cassées, des danseureuses jamais épuisé.e.s, des chars dignes d’un carnaval, une foreuse de Vinci (constructeur et concessionnaire du projet d’aéroport) brûlée, de la musique de tous styles, de la peinture pour recolorer cette ville aseptisée et inscrire nos revendications…etc
Évidemment toutes ces pratiques ne correspondaient pas tout le monde. Certain.e.s en engueulaient d’autres en disant que le bris de vitrines était choquant et desservirait la lutte, et d’autres en engueulaient encore d’autres en disant que défiler en cortège de partis était une récupération politicienne et desservirait la lutte !
Bref, au beau milieu de ce joyeux bordel, se jouaient des débats politiques. Et, bien loin d’entacher la lutte, ils la renforçaient et rendaient à la rue sa fonction première, celle d’être un lieu où l’on se croise, débat et où l’on vit.
La manif a continué son parcours et s’est retrouvée bloquée en bas du cours des 50 otages (qu’elle était censée remonter) par des grilles de 4 mètres de haut, des canons à eau et des centaines de CRS et GM. La tête de manif a continué en passant par l’île Beaulieu avant de rejoindre le square Daviais (lieu prévu d’arrivée).
C’était la première fois que le cours des 50 otages était interdit à une manifestation et cette interdiction est haute en symbole dans une ville chargée d’histoire sociale, où quasi aucune manif n’est déclarée et quasi toutes empruntent ce boulevard central.
Nous nous attendions à une telle provocation car le préfet avait décrété une « zone rouge » (disposition semblable aux sommets tels le G20) englobant les deux tiers du parcours prévu. Nous nous attendions également à la présence de ces 1500 policiers qui n’attendaient que d’en découdre puisque, les jours précédents, des policiers postaient sur les réseaux sociaux qu’ « ils nous attendaient ».
Face à de telles provocations la tension est vite montée et la police a rapidement tiré au canon à eau sur la manif et les tracteurs (brisant leurs vitres), ainsi que lancé de nombreuses grenades lacrymogènes. La manif s’est alors retrouvée coupée en deux et des milliers de personnes ont continué à converger vers les grilles anti-émeutes. Les personnes ne voulant pas prendre part à cette situation ont continué, mais énormément sont restées. La police s’est mise à tirer au flashball sur la foule qui a répliqué avec ce qu’elle trouvait.
Des milliers de personnes, de tous âges, très différentes, sont restées au plus près, refusant de laisser la police s’en prendre à la manif. Chacun.e a, à sa façon, contribué à tenter de les faire reculer. Certain.e.s montaient des barricades, d’autres lançaient tout un tas de choses, d’autres encore se déplaçaient de front en front, contribuant à passer des infos. Puis, derrière, ce sont encore des milliers d’autres personnes qui encourageaient, soignaient et essayaient d’aider comme illes pouvaient.
Le plus impressionnant c’est cette diversité de personnes prenant part de différentes façons aux affrontements, que ce soit activement ou même juste en restant présentes au milieu des gaz, et c’est très certainement ce qui les a empêchés de facilement reprendre le terrain.
Derrière, square Daviais, avaient lieu les prises de paroles, malgré l’hélicoptère de la gendarmerie en vol stationnaire au-dessus. Là aussi beaucoup de gentes étaient réuni.e.s ; les journalistes y étaient par contre bien plus rares (les images spectaculaires se vendraient mieux que les arguments anti-aéroport?). Puis il y a eu de la musique, des danses, à boire et à manger.
Pendant ce temps, la police a (difficilement) avancé, tentant de disperser la foule à coups de flashball, lacrymo, grenades assourdissantes et de désencerclement (arme qu’ils sont censés utiliser en cas d’encerclement, et en dernier recours). Mais les dizaines de milliers de personnes ne semblaient pas vouloir partir et c’est en musique que l’on pouvait voir les quatre canons à eau, la pluie continuelle de lacrymo. Et un bon millier de flics tentaient tant bien que mal de venir à bout des barricades pour avancer sur la foule square Daviais.
Quand les premières grenades ont atteint la sono, cette dernière a été repliée et il s’en est suivi encore plusieurs heures d’affrontements. Car, à défaut de sono, la foule (encore au moins 10 000 personnes) a scandé de nombreux slogans pour se donner du courage, alors que le soleil se couchait.
Le lendemain, à peine remis de l’acharnement policier, c’est à l’acharnement médiatique que le mouvement anti-aéroport a dû faire face. Là encore, c’est un acharnement sans précédent, où seules quelques pratiques sont mises en lumière, complètement sorties du contexte. C’est la course à qui aura le plus de dégâts, sans jamais mettre en opposition les dégâts que causerait l’aéroport.
Les média semblent décrire une forme de « casse » généralisée, occultant le fait que chaque vitrine qui est tombée l’était pour une bonne raison : Vinci, office de tourisme de Nantes, agence de voyage… De plus, ils semblent rejeter ces heures d’affrontements et les dégâts sur le dos d’une soi-disante minorité, à qui ils attribuent tout un tas d’étiquettes, allant de simples « casseurs » à « véritable guerillero armé ». Là encore, ils occultent le fait que c’est une très grande variété de personnes qui a fait face à la police.
Enfin, les média mettent en avant le chiffre des dégradations et les soi-disant blessés chez les forces de l’ordre, mais très peu de place est donnée aux victimes, bien plus importantes en nombre et en gravité, de la police (œil perdu, nez et doigt arrachés,…etc).
Cet acharnement médiatique n’a qu’un but : nous voler la réalité de la manif et du mouvement anti-aéroport.
De plus, face à la contestation qui ne cesse de grandir, le gouvernement a peur et tente de jouer la carte de la division. En effet, s’il arrive à faire croire que c’est une minorité qui est à l’origine de l’opposition à la police, il pourra alors justifier une intervention sur la ZAD, sous prétexte que ladite minorité s’y trouve, et surtout il pourra arrêter et enfermer tout un tas de gentes qu’il jugera « trop remuant.e.s ».
En agitant le spectre de « terroristes », c’est ce qu’il tente aujourd’hui, mais c’est surtout la preuve qu’il a peur d’un mouvement populaire qui a montré qu’il irait plus loin que juste gentiment défiler dans la rue avant de se rendre aux urnes…
Pour appuyer cette peur, il fait de vrais appels à délation dans les journaux et menace de porter plainte auprès des gens qu’il considère comme organisateurices et, donc, soi-disant responsables.
Ils ont beau mettre le paquet, leur machination ne marchera pas. Car, dans cette lutte, nous sommes et resterons toutes et tous solidaires des autres, quel que soit leur moyen d’action. Le mouvement contre l’aéroport et son monde n’a jamais été aussi important et déterminé. Grâce à cette union et solidarité, le gouvernement ne peut donc ni tenter la moindre expulsion ni la moindre arrestation sans prendre le risque de s’attaquer à la lutte en entier ; et il sait ce qui lui en coûtera…
Quoi que l’on en pense !
A force de réprimer, il ne faut pas s’étonner que les commissariats soient attaqués.
A force de dénoncer les personnes sans-papiers et de coller des prunes, il ne faut pas s’étonner que la salle des contrôleurs ait brûlé.
Le gouvernement ne récolte que ce qu’il sème.
Nous sommes tou.te.s des organisateurices et nous sommes tou.te.s des casseureuses!
Ensemble nous allons gagner !
Document joint
manifdusamedi.pdf