Manifestation du 22 Février : «violence» ou résistance ?

Un centre-ville « dévasté », « saccagé », « ravagé » et même « désastré » (bravo Ouest fRance) par une horde de « casseurs », « black blocs », « anarcho-autonomes » (vous vous souvenez, le flop épouvantail sarkozyste de Tarnac et Cie, ressorti par Valls ?), « ultra » (Pascale Chiron si tu nous lis…), etc…

Pendant une semaine, les qualificatifs finalement si habituels n’ont cessé de se multiplier, de s’enfler et de se reproduire dans toute la presse marchande, évitant soigneusement de raconter un tant soit peu objectivement ce qui s’est passé pendant la manifestation. Non, le choix fut plutôt de relayer de façon servile la propagande d’un gouvernement en déroute. De mémoire de nombreuses personnes participantes – comme en témoigne un flot rarement vu pour une manifestation d’écrits, de vidéos et de photos sur Internet – celle-ci fut pourtant bien autre chose.

Ces journaux se retrouvent bien en difficulté lorsqu’ils doivent faire la liste des rééls bris de glace, tags et feux de joie qui ont eu lieu, n’hésitant pas pour le coup à les gonfler (telle la façade de la mairie « détruite » par quelques tags, cherchons témoins).

Des bureaux et chantiers Vinci, dont celui qui a bétonné le regretté square Mercoeur, entre autre méfaits urbains. La mairie de feu notre roitelet national Ayrault, responsable de l’aménagement bétonneur de nos vies à Nantes. Mais aussi la TAN, aux prix les plus chers de France et aux contrôleurs si zélés qu’ils appellent promptement la police. Ou encore des agences de voyage qui veulent vendre un tourisme low cost en mains d’oeuvre, pour vivre des vacances hors sol comme chez soi mais ailleurs, au mépris de la population locale.

Quand à la SNCF, dont les controleurs et les prix ne valent de nos jours pas mieux que ceux de la TAN, cela rappelle les chantiers gigantesques dont elle balafre nos territoires, pour un commerce toujours plus rapide. Et surtout, cela montre le soutien des manifestantEs à la lutte contre la Ligne à Grande Vitesse Lyon-Turin en Italie, qui subit une répression féroce en résistant au bétonnage du Val de Suse.

Somme toute, pas de quoi casser des briques… Pour ceux et celles qui s’en souviennent, on peut même dire que Nantes a vu pire, notamment pendant les nuits agitées de 1995 contre le plan Juppé. Bien loin des cibles indistinctes et compulsives, victimes d’une horde sanguinaire telle que décrite dans beaucoup d’articles, il est indéniable que les quelques vitrines qui sont tombées ne l’ont pas été au hasard, sans aucunes raisons.

Nous avons été nombreux le lendemain à chercher cette dévastation, au milieu des milliers de bombes lacrymogène éparpillées sur le sol de la ville (2300 pour être exact, combien la facture ?). Il n’y avait que M. Rimbert pour y croire et faire travailler des personnes toute la nuit du Samedi et le Dimanche, pour que sa belle ville qu’il veut asseptisée et sans trace de vie puisse lui convenir. Cela n’a pas empêché nombre d’habitantEs de Nantes de se régaler pendant leur promenade dominicale du si dérisoire spectacle de la « destruction de Nantes », en jouant par exemple à se photographier dans les ruines de la salle de pause des contrôleurs de la TAN. Ceux qui détruisent ne sont peut-être finalement pas ceux que l’on croit…

Et c’est bien ce que l’on ressentait lors de la manifestation ou dans les témoignages de participantEs parus depuis. Devant les provocations et l’intention du préfet d’en découdre (comment expliquer autrement l’interdit historique de manifester sur les 50 otages et la militarisation d’une zone rouge ?), c’est toute la manifestation qui s’est sentie agressée. C’est toute une foule qui applaudissait les tracteurs et les feux d’artifice sur la place du commerce, et restait en nombre, proche des évènements, pour soutenir ceux et celles qui exprimaient physiquement ce que beaucoup dans la manifestations pensaient : nous ne nous laisserons ni intimider ni diviser. C’est une population bigarrée et unie qui stationnait devant le CHU, sous les assauts des forces militaires et policères. Ce 22 Février, c’est toute une population dégoûtée par ce monde qui envahissait la métropole.

N’en déplaise aux médias et au gouvernement, la fête a bien eu lieu, et elle fut l’un des plus belles qu’on ait vu à Nantes ces dernières années. Dans celle-ci, toutes les forces présentes ont pu s’exprimer et coexister sans se marcher dessus. Il était possible de danser sur la place gloriette, puis en 300 mètres de promenade se retrouver sous les gaz et canons à eau devant les 50 otages. Chacun et chacune pouvait trouver manière d’exprimer sa résistance contre un gouvernement et des patrons sans cesse plus sourds et aveugles, toujours plus prédateurs de nos vies. Et la solidarité que l’on a pu voire à l’oeuvre ce jour-là réchauffe le coeur face au développement quotidien du racisme et à l’émergence d’une droite toujours plus décomplexée mais aussi de plus en plus vindicative.

La somme – si énorme qu’elle en est surprenante – des un million d’euros de dégâts, agitée pour nous faire retourner grégairement dans nos foyer fiscaux, ne fera pas oublier la force que ceux et celles qui rêvent d’un autre monde ont eu l’occasion d’affirmer ce jour-là. Ce chiffre ne tient en tout cas certainement pas la comparaison face à celui du coût du déploiement militaire et des moyens mis en oeuvre pour provoquer la colère des manifestantEs. Il ne tient certainement pas la route dépavée face aux nombreuses victimes de ce déploiement. Toutes ces personnes blessées pour beaucoup gravement (2 personnes qui ont perdu un oeil), ne peuvent être comparées à la centaine de militaires et policiers qui parait-il se sont fait un petit bleu. L’objectif de ces blessures était bien de terroriser ceux et celles qui voudraient résister à la casse quotidienne de nos droits et de nos vies, par des élites qui désignent toute personne exprimant une résistance à son écrasement, à Pôle Emploi comme à la CAF ou ailleurs, comme une dangereuse casseuse.

Que tous ces bonimenteurs continuent donc de bavasser dans leurs torchons, nous savons que s’ils réagissent de cette façon, c’est que la peur transpire de leurs mots et de leur propagande. Ce jour-là, les gouvernants et leurs sbires de la presse ont vu la colère et la force de l’union de tous ceux et toutes celles qui ne supportent plus le saccage de leurs vies et de leurs quartiers au nom du progrès marchand. Cette manifestation a bien été contre le monde de l’aéroport, et c’est bien ce qui les effraie.

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