Peines de prison pour les squatteuses et squatters

Maisons HLM de Nantes Habitat (2013)

Mi Novembre, à Montreuil, trois squatteuses se font arrêter alors qu’elles tentent de rentrer dans une maison abandonnée. Placées en garde à vue 24h pour « tentative de cambriolage »,  elles passent ensuite en comparution immédiate (qu’elles refusent) et malgré les différentes « garantis de représentativité », elles sont envoyées en taule. Elle finiront par arriver à sortir le 23 (9 jours après leur arrestation) et attendent encore leur procés le 7 décembre…

Cette histoire arrive moins d’un mois après l’arrestation d’un autre squatter, toujours en région parisienne, toujours dans les même circonstance. Mais lui n’aura pas la chance de sortir aussi rapidement… En effet, nous apprenons, qu’a l’issu de sa garde à vue, là encore pour « tentative de cambriolage », il passe en comparution immédiate et est condamner à un an de prison ferme ! En plus de cette peine extrêmement lourde, il se retrouve avec une OQTF (Obligation à Quitter le Territoire Français) !

Nous retransmettons ci-dessous le communiqué du collectif de soutien à Alfidel, qui reviens sur les circonstances de sa condamnation et dans quel contexte « post »-collonial cette condamnation arrive.

Nous souhaitons apporter tout notre soutien à Alfidel, et pensons aux milliers d’autre détenu·es enfermé·es parce que pauvre.

Crève la taule ! Squattons les maisons des juges !

Communiqué du Collectif de soutien à Alfidel :

Le mardi 24 octobre 2017, plusieurs camarades ont tenté de rentrer dans une maison vide afin d’y élire leur domicile. La surveillance bourgeoise de la propriété privée ne cesse de se perfectionner et la maison était équipée d’un système d’alarme. Tous les camarades ont réussi à prendre la fuite sauf l’un d’eux qui, resté en arrière, s’est fait arrêter, et emprisonner…

Les policiers ont entamé une enquête pour tentative de cambriolage, bien que la maison soit inoccupée et que les propriétaires eux-mêmes aient reconnu plus tard que, des quelques affaires laissées sur place, rien n’avait disparu.

Le camarade arrêté n’a pas de papiers et ne peut pas prouver son identité. Déféré pour une comparution immédiate au TGI de Créteil, il a été jugé immédiatement. Il a alors écopé d’une peine d’un an ferme pour un cambriolage sans objet volé… et se trouve actuellement incarcéré à la maison d’arrêt de Fresnes en attendant le procès en appel.

L’emprisonnement d’Alfidel est l’aboutissement provisoire d’une existence très mouvementée, au cours de laquelle il n’a cessé de se faire malmener par les pouvoirs en place et de se débattre.

Né au Tchad dans les années 1980, il a participé encore mineur à une rébellion contre le dictateur Idriss Déby. Blessé grièvement et sommairement soigné (il en garde de graves séquelles), il est emprisonné jusqu’à ce qu’une autre rébellion, s’emparant momentanément de la capitale N’Djaména et ouvrant les portes de la prison, lui permette de s’enfuir. Il s’installe ensuite en Libye, mais la guerre civile et la chute de Khadafi le poussent de nouveau à la fuite, d’autant plus que les populations noires sont persécutées pour leur soi disant complicité avec le dictateur (en fait, Déby avait envoyé des troupes auxiliaires pour soutenir son confrère).

Arrivé en Europe par l’Italie, il se rend ensuite en France. Il demande l’asile mais est débouté. C’est le sort de la majorité des demandeurs d’asile en France : 71 % des demandes sont rejetées en première instance, 62 % des demandes après appel en 2016 (source: OFPRA). Toutes les personnes refusées deviennent de fait sans-papiers.

Le Tchad est un pays où être opposant politique vous place immédiatement en danger de mort, mais parce que Deby est un fidèle allié de la France, il n’est pas classé pays « dangereux ». La France se sert du Tchad comme base logistique pour conforter sa présence dans la région et envoyer différentes missions de « maintien de la paix » dans les pays proches. En échange de quoi elle fournit armes, formations et appui militaire quand le régime de Déby vacille, comme elle l’a fait avec les gouvernements précédents. Dans le cadre de discussions sur l’installation de « hotspots » (centre d’enfermement et de tri des exilé-e-s) au Niger et au Tchad, Macron a récemment réaffirmé que le Tchad est un pays sûr. Les attaques de Boko Haram n’ont fait que renforcer la légitimité de la présence française vis à vis de l’ONU.

Un grand nombre de réfugiés dûment certifiés ne bénéficient jamais des hébergements prévus par la loi, les demandeurs d’asile en attente encore plus rarement. Un demandeur débouté se retrouve sans la moindre solution. C’est ainsi qu’Alfidel s’est retrouvé à squatter en compagnie d’autres Tchadiens aux statuts divers, et d’étudiants, de chômeurs et de précaires qui constituaient les successifs collectifs des « Francs-Tireurs » à La Courneuve puis de la « Maison Rouge » à Saint-Denis.

Un squatteur expulsé cherche à retrouver un autre lieu à occuper, s’il n’a pas d’autre solution. Avoir un toit sur sa tête est dans ce cas plus important que de voler quelques babioles traînant dans une maison. Alfidel est rentré dans cette maison pour l’occuper mais il a été chargé d’une accusation bien plus grave pénalement, cambriolage. Si la condamnation pour squat n’existe pas officiellement, la police et la justice utilisent d’autres infractions pour faire condamner les squatteurs. La qualification de tentative de cambriolage témoigne de l’inflation pénale actuelle, dont sont victimes d’autres camarades [1]. D’autre part, notre camarade, étranger, sans papiers, avec quasiment aucune ressource, se trouve dans une situation extrêmement fragile. Il est particulièrement exposé à une justice de classe raciste qui a l’insensible habitude de condamner les pauvres, les sans toits, les Noirs et toutes les minorités.

Alfidel a eu affaire à un éminent représentant de cette justice, Hoc Pheng Chhay, du TGI de Créteil [2], qui après avoir fait la leçon aux salauds de pauvres à ses pieds, les envoie en prison sans prendre la peine d’écouter leurs avocats. Ce juge particulièrement répressif a coutume de distribuer des peines de prison pour des délits mineurs, ce dont même les directeurs de prison se plaignent [3].

Pendant sa garde à vue, Alfidel a reçu une OQTF (Obligation de Quitter le Terriroire Français) et une interdiction de revenir pour une durée d’un an. En général, les OQTF peuvent être contestées dans un délai de 15 à 30 jours, mais là le délai de recours n’était que de 48h. Ce délai minime rend impossible toute contestation sur le fond et le recours mené par son avocate a été rejeté. Pour notre camarade c’est une double peine : en pratique, cette OQTF limite l’espoir d’une remise en liberté avant l’audience d’appel.

La répression a frappé notre camarade Alfidel, mais elle frappe très largement tous ceux qui répondent à la misère matérielle par une organisation et une solidarité collectives.

Un soutien matériel, juridique, financier et moral est nécessaire à notre camarade. Un collectif s’est réuni et va proposer diverses initiatives et des discussions avec ceux qui subissent la même violence répressive, de la police, de la justice, et de la prison.

Une cantine aura lieu le samedi 9 décembre à partir de 12h à la cantine des Pyrénées (77 rue de la Mare dans le 20e arrondissement de Paris) pour récolter de l’argent pour les mandats et payer les avocats. À 14h, le collectif se réunira pour décider des suites et en particulier des initiatives envisagées autour du procès en appel à venir.

Les mandats sont envoyés chaque mois en prison à Alfidel par Kalimero, la caisse de solidarité avec les prisonnier.e.s de la guerre sociale.

Pour lui écrire : Alfidel ABAKAR n° écrou 995197 cellule 436, division 3 nord Centre pénitentiaire de Fresnes Allée des thuyas 94 261 FRESNES CEDEX

Libérons Alfidel et tou.te.s les autres !

Pas de papiers du tout et des palaces pour tou.te.s !

Fermons les prisons ! Ouvrons des squats !

Le collectif de soutien à Alfidel

Notes:

[1] Nous pensons aux trois copines accusées aussi de «tentative de vol par effraction en réunion».

[2] Comment comprendre que cet homme, président du Comité des Victimes des Khmers Rouges, soit si à l’aise avec la logique carcérale ? Peut-être se dit-il qu’en comparaison des camps khmers, les prisons françaises sont d’aimables camps de vacances… Plus d’infos sur DailyMotion, Viadeo et ecolekhmereparis.fr.

[3] Les bruits de couloir disent même que ce juge va être muté dans une autre cour car les directeurs de prison se plaignent du flot incessant de personnes qu’il envoie en prison.

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