L’équipe de sécurité, heu pardon les éco-vigiles recyclables, nous ont vite repéré·es au milieu du marché. Gilet fluo sur le dos et talkie-walkie à la main, il·les se sont mis·es à nous suivre afin de vérifier que notre intervention ne bousculait pas trop le cadre bien policé de « leur festival ». Contrairement à l’année dernière, la distribution de tracts n’était pas interdite mais bien surveillée. Accompagné·es de cet escorte nous nous sommes rendu·es au stand Nantes Métropole afin de dénoncer l’hypocrisie de leur présence. Tandis que la nombreuse propagande de la ville était retirée des présentoirs une banderole contre l’aéroport et le capitalisme était déployée. Des slogans ont alors été chantés et repris par des passant·es pendant que les bénévoles d’Alternatiba, appelé·es en renforts, s’occupaient de ramasser servilement les tracts et de remettre en ordre le stand de la Métropole. Le blocage du stand aura permis de discuter avec des passant·es et de rappeler que ce n’est pas en aménageant ce monde mais bien en luttant qu’on pourra abattre tout ce qui le pourrit.
L’alternative et la transition énergétique ne fera que recycler le capitalisme, organisons-nous pour le détruire ! PS :
Merci aux camarades qui nous ont rejoint et ont traîné dans le coin pendant l’action 🙂
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Alternatiba ne propose pas de briser ce qui pourrit les composantes de nos vies d’êtres humains.
Alternatiba écoblanchit le capitalisme ambiant comme il remplace le béton par des arbres sur son plan. Ce n’est rien de plus qu’une foire aux « bonnes solutions » qui souhaite s’imposer aux nantais.e.s où l’argent et le patronat gardent précieusement leurs places. Une foire neutre, dépolitisée et en bon ordre.
LA FOIRE :
Alternatiba offre la panoplie rêvée du fameux et fumeux « développement durable ». La section « Habitat » propose une brochette d’entreprises venues vendre leurs marchandises sur la place publique… ou ce qu’il en reste.
Il suffit de feuilleter les catalogues en ligne de Crozel architecte, Aquatiris ou Biosfaire (parmi d’autres) pour comprendre ce que propose le Village des alternatives. Rien de plus que de l’habitat individuel aseptisé, inaccessible financièrement pour la majorité des gens mais « écologique ». Des solutions d’assainissement « pour les effluents agroalimentaires industriels, les eaux de ruissellement contenant des détergents, des hydrocarbures » mais bien entendu « écologiques ». Un tas de matériaux « sains et naturels » pour la construction, la décoration ou l’isolation « bio-compatible » (de votre maison individuelle).
L’alternative à notre société destructrice du climat se résume donc ici à quatre murs et un toit en bois, des enduits et bétons cirés bio et une simili-fosse septique à base de roseaux. Elle se calculerait en dizaines voire centaines de milliers d’euros et en éco-prêts. Les vrais prédateurs, les multinationales de l‘énergie et conglomérats du BTP en frissonnent déjà…
Parmi les autres paradoxes façon « développement durable » d’Alternatiba, on retrouve aussi sous le label « Nos amis les bêtes », une entreprise « hors du commun » dont le métier consiste à « … gérer des flux, organiser des opérations, tout en respectant des process, … ». Plus concrètement, Ecomouton remplit ses caisses en envoyant des moutons tondre les pelouses des entreprises ou collectivités. La belle alternative proposée ici est, nous citons, « d’humaniser l’environnement de l’entreprise ». On nous garantit que ces « petits amis » ou « éco-tondeuses » (les moutons) sont de fabuleux anti-stress et, « avantage non négligeable », modifient subtilement l’image d’une société vis à vis des clients.
Parmi ceux-ci, des prisons, dont celle de Nantes, co-gérée par une filiale du groupe Bouygues (top 10 mondial du bétonnage 1 ). Les petits moutons serviront-ils d’éco-anti-stress pour les détenu-es emmuré-es de cette prison, qui collectionne les suicides depuis son ouverture 2 ? Notons qu’elle enferme celles-eux qui luttent contre l’aéroport, mais surtout tout-es celles et ceux qui pour juste survivre sont sous le « coup de la loi ».
Au rayon collaborateurs-trices, la multinationale grande humaniste reconnue, GDF-Suez et sa filiale de stockage de gaz Storengy accueillera les moutons green-mascottes entre ses réservoirs classés Seveso. Faut-il rappeler à Ecomouton et Alternatiba la glorieuse 1 ère place de GDF-Suez dans la course aux centrales à charbon et les 81 millions de tonnes de carbone 3 qu’elle balance chaque année dans les airs et donc dans nos poumons? Ou les désastres écologiques et sociaux de ses chantiers en Amazonie?
Cela n’empêchera pas non plus Nantes Métropole, fière partenaire d’Alternatiba, championne du green washing et fervente promotrice du projet d’aéroport, d’organiser avec ce même GDF-Suez mortifère sa grand messe sur « la ville de demain, humaine, citoyenne, solidaire » (forum Smart City) et sa « semaine verte » (Green Week) où la bande construira en catimini d’autres alternatives Alternatiba-compatibles.
L’associatif à Nantes :
Qui habite à Nantes et a des activités asso ciatives sait bien que toute subvention des « pouvoirs publics » n’est possible qu’avec des contre-parties (auto-censure, «neutralité», soutien aux institutions). La plupart du temps simplement parce qu’une association ne peut survivre sans. C’est ainsi que l’on retouve un encart dédié à Alternatiba dans le dernier Nantes PassionTM, magazine de la ville de Nantes, grande pourvoyeuse d’aéroports alternatifs « Haute Qualité Environnementale ». Cette année encore, la Région des Pays de la Loire et Nantes Métropole (un bel aéropage de bétonneurs),côte à côte avec la MAIF ou encore la Nef font partie des soutiens de l’évènement.
On ne peut pas nier qu’Alternatiba a réussit à agréger beaucoup d’associations autour de l’évènement, en s’appuyant notamment sur un réseau pré-existant d’initiatives aux objectifs parfois très différents. Cela au prix de grands écarts et silences troubles sur des questions de fond et de forme pouvant mettre à mal leur cohérence politique. Une chose est sûre, quand on est ainsi dans les petits papiers des institutions, il est bien plus facile d’accaparer le centre-ville, permettant ainsi de clamer avoir reçu la visite de 10.000 personnes, la plupart badauds dominicaux habituels du Bouffay, ébahis de cette foire.
On notera au passage le contraste avec les luttes comme celles des migrants qui se font enfermer dès qu’ils posent une toile de tente devant la préfecture en Juillet 2014, ou des grévistes de la faim qui revendiquent ne pas vouloir d’un aéroport et de ses expulsions.
C’est bien toute la différence entre vitrine alternative et mouvement de lutte qui se dessine ici. Pour Alternatiba, il semble que la non-violence passe par la collaboration sereine avec les autorités en désamorçant en amont toute critique véritable et tout risque de frictions policières. À Alternatiba, on se demande plutôt sérieusement si une lutte peut favoriser l’emploi, ou encore comment bien épargner…
C’est à se demander si cet évènement n’est pas une simple opération de communication et de détournement, comme l’affectionne tant la mairie de Nantes.
Alors retouvera-t-on cette année encore ces asso ciations qui proposent d’adopter un SDF, comme on adopte un animal ?
Contre le recyclage des luttes, l’écologie doit s’inscrire dans une alternative radicale Alternatiba est passé du compromis à la compromission. A l’image de la COP 21, aucun enjeu fondamental ne sera débattu dans ce “joyeux village des alternatives”, à l’allure déconcertante de monde enchanté de Walt Disney. Les organisatrices-eurs poussent même le vice jusqu’à remplacer, sur le plan du village, les immeubles par des arbres de la même manière qu’ils doivent s’imaginer que leurs rêves de bisounours pourront remplacer, comme par magie, la réalité du capitalisme et de ses destructions. L’ambitieux programme des conférences nous laisse un temps rêveur (songeur-ses) : comment vivre en harmonie avec la planète ? Comment s’investir contre la pollution? Comment manger ? Comment bouger ? Comment consommer? Comment construire sa maison ?
Ces thématiques, faussement subversives, nous dépossèdent des véritables enjeux. Transformée en entreprise de communication, l’écologie institutionnalisée veut faire de nous un public de consommatrices-eurs du dimanche, servile et déculpabilisé.
Alternatiba cible les “consommatrice-eurs responsables” qui baissent le chauffage à 20° comme recommandé dans le flot des communications officielles. Quelle place pour celle-eux pour qui boucler la fin de mois est déjà une urgence et qui n’ont pas le loisir de “consommer bio pour sauver la planète” ?
Aucune mention de la constellation des VRAIES ALTERNATIVES INDÉPENDANTES ET AUTOGÉRÉES.
Pour ne citer que des exemples locaux, rien sur le Jardin des Ronces, ce potager occupé du Vieux-Doulon qui préserve les dernières terres maraîchères de la ville contre le bétonnage en “éco?quartier”. Rien sur le square Mercoeur transformé en zone humide (euh pardon… en miroir d’eau!). Rien sur les expulsions à répétition des Rroms, orchestrées par l’ensemble des municipalités de la Métropole et encore moins sur les solidarités que cette situation peut faire naître. Rien sur les luttes contre la gentrification de la ville, ce phénomène urbain d’embourgeoisement qui rejette du centre les moins favorisés-ées. Rien évidemment non plus sur la lutte des migrant-e-s, expulsé-es tant de fois, pour obtenir «un toit pour toutes et tous». Rappeler notre responsabilité dans les drames de leurs pays serait malvenu dans une ville tentant de s’affranchir de son passé négrier.
Même le tri des déchêts appartient désormais à l’industrie du recyclage. Pourquoi ne pas évoquer ces personnes qui font les poubelles pour subsister et qui sont condamnés pour «récupération abusive» ?
POUR CONCLURE :
Alternatiba par sa forme (foire aux alternatives, professionalisation…) et son fond (dépolitisé, écolo bien pensant, refus de toute lutte) ne peut qu’aller dans le sens du monde que nous combattons. Car lorsqu’un tel événement recycle la lutte en une activité ludique où le bon «citoyen» peut choisir à quelle organisation il adhère comme d’autres choisissent la danse ou le poney en début d’année, alors il réunit toutes les conditions de base pour bien être récupéré et digéré par le capitalisme et le pouvoir. De plus, en acceptant que paraissent lors de l’évènement des stands comme celui de Nantes Métropole des entreprises collabos comme Ecomouton et tout un tas d’autres boîtes qui ne sont là que pour se faire du fric avec la bonne conscience en promo, Alternatiba ne fait qu’entretenir et renforcer ce monde. Face aux désastres que cause le capitalisme, celui-ci à besoin de se s’acheter une image, de se rendre équitable et d’apparaitre comme équitable et à visage humain. Alternatiba lui offre ce nouveau costume sur plateau recyclé !
Beaucoup des participant.es à cet événement sont certainement de bonne foi et veulent sincèrement «changer le monde». Mais pour changer ce monde il faut s’attaquer frontalement à tout ce qui le maintient en place; on ne peut pas se contenter de «l’aménager» avec des alternatives qui ne font que l’entretenir en redorant son image. La crise climatique n’est qu’une toute petite partie des dégats que cause ce système. Et ce n’est pas en retardant le réchaufement climatique que l’on arrêtera le pillage de l’Afrique par l’Occident, que l’on détruira fera tomber les frontières, que tout le monde pourra se loger et manger à sa faim, que l’on pourra décider nous-mêmes de la façon dont nous organisons notre vie, que l’on abattra l’Etat, que les patrons seront envoyés à la mine de silicium pour nos panneaux solaires, que l’on fera sauter les taules, que l’on brûlera les billets et que l’on pourra combattre efficacement toute forme de domination entre les humains.Alors dès maintenant arrêtons de courir après des évènements comme Alternatiba qui ne sont qu’un masque de plus du capitalisme. Retrouvons-nous, organisons-nous, soutenons-nous dans nos luttes quotidiennes, concrètes et frontales face à ce monde. Ne nous laissons pas berner par ces marchés de bonne conscience, refusons de nous attaquer à ce système en n’en aménageant qu’un bout.
Pour mieux nous digérer ils nous veulent dépendant-es de leurs institutions, non-violentes, intégré-es socialement et éco-responsables. Refusons tout cela, sortons des cadres, cultivons l’autonomie, soyons imprévisibles, virulent-es et sans aucun compromis !
Contre ce monde, ses institutions et ses aménageurs, vive la révolution, vive l’autogestion !
COLLECTIF NANTAIS CONTRE L’AÉROPORT (CNCA)
1. « Les plus grandes entreprises de BTP du monde » Journaldunet.com et BVDInfo
2. « Trois suicides en trois semaines, à Nantes et ailleurs la prison tue » Communiqué du Genepi Nantes
3. « Le véritable bilan annuel de Engie (GDF-Suez) » Observatoire des multinationales
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